Un vrai roman
Métaquine® est un psychotrope pédiatrique prisé des enseignants et des parents à bout de nerfs. Il assagit les chenapans, cloue le bec des chipies, suscite le zèle chez les cancres et ramène les distraits sur Terre.
Par une étrange coïncidence, Métaquine® est aussi le titre d’un roman publié en 2016. Plus étonnant encore, ce récit s’articule autour d’un médicament qui change les enfants à problèmes en écoliers modèles et vaut à son fabricant un essor mondial. Exactement comme le produit de GlobantisPharma. D’ailleurs – ultime concours de circonstances – GlobantisPharma est aussi le nom dont le romancier a baptisé la firme pharmaceutique qui sévit dans sa fiction.
Un tel cumul de hasards vous paraît impossible ? Vérifiez par vous-même. Tout est dans Métaquine®, de François Rouiller [éditions l’Atalante, coll. la Dentelle du Cygne (2 volumes: Indications et Contre-indications), ISBN 978-2-84172-752-0 et 978-2-84172-770-4]. Les deux tomes du roman de François Rouiller – Indications et Contre-indications – ont reparu en format poche et prix réduits. Les couvertures sont illustrées par l’auteur. Toujours à l’Atalante.
Le titre du roman désigne, non une substance connue des pharmacologues d’aujourd’hui, mais une nouvelle molécule qui débarque dans un futur proche sur le marché des drogues éducatives. En quelques années, le médicament devient un blockbuster dont la popularité se chiffre en milliards d’euros, au grand profit de la multinationale qui détient son brevet. Métaquine® – le livre – raconte les retombées de cette réussite planétaire en s’attachant au destin de six protagonistes, tous de près ou de loin confrontés au produit phare de GlobantisPharma.
Régis, dernier de classe, présente le profil type de l’écolier qui pourrait bénéficier du traitement. Les tests des psychologues scolaires, qu’il doit passer sous peu, risquent fort de confirmer ce diagnostic. Le gamin se retrouvera avec une prescription de Métaquine®. Sauf qu’il n’a aucune envie d’en avaler.
Régis est persuadé que cette dope d’obéissance dissoudra son imagination. Et avec elle, les animaux fabuleux, les châteaux et les compagnons de jeu invisibles qui égaient son quotidien.
Régis ignore que les tests des psys sont sponsorisés par Globantis. Une stratégie mise en œuvre de Curtis, l’ambitieux manager qui préside aux destinées de la Métaquine®.
Depuis, son produit transforme les écoles en pépinières de forts en thème et la cote boursière de la firme ne cesse de grimper. Qui plus est, les labos de Globantis découvrent chaque mois à la molécule des propriétés nouvelles et prometteuses.
Cet optimisme a cependant des détracteurs. Clotilde, par exemple, qui milite contre l’usage de psychotropes dans les écoles.
Ou Sophie, neuroscientifique à la retraite et rebelle incorrigible.
Mais que peuvent deux idéalistes face à un géant de la pharma ? Dénoncer les études biaisées, les vantardises publicitaires ? Peine perdue, le mensonge est entré dans les mœurs.
Si au moins Régis pouvait compter sur ses proches. Mais sa mère Aurélia est une accro de la simulation électronique, une cybertox enkystée nuit et jour sous un casque d’immersion.
Quant à Henri, son beau-père, il ne rentre du boulot que pour ruminer des fantasmes de tueur en série en feuilletant d’abjects tabloïds.
Le couple de losers qui tient lieu de famille à Régis vit comme lui de chimères.
Mais les rêves sont-ils toujours de lâches échappées, des oublis coupables ? Pas pour Régis, en tout cas. Les siens, croit-il, ont des pouvoirs spéciaux. Magiques ? Ou quantiques, comme ces nouveaux ordinateurs Q-techs qui calculent dans n dimensions à la fois ? Peu importent les mots et les techniques, Régis sait seulement que son imaginaire superpose sa loi au réel et y fait migrer ses créatures.
De là à contrer les plans de Globantis, il reste beaucoup de combats à livrer. Et d’adultes à ramener à la raison.