Croquemitaine
Chaque nuit, Sophie Emarmena fait le même cauchemar : « Je reconnais parfaitement l’endroit : le sentier de La Guillanne, qui va de l’ancien orphelinat au sommet de la carrière. […]
D’abord je perçois le bruit entre les troncs, non loin de moi. J’entends un pas souple et déterminé, qui fait crisser les couches de feuilles mortes. Je ne distingue rien, parce que, comme à chaque fois, un crépuscule épais enveloppe l’amont de la colline. Alors je prends peur et me mets à courir. Aussitôt, la chose qui s’avance dans la forêt accélère son trot, tandis que l’ombre autour d’elle se fait encore plus dense. Ce n’est pas tant d’être poursuivie par un monstre invisible qui m’épouvante, ni la pénombre sans fond dont il se drape. C’est sa marche, parallèle et chevillée à la mienne. Plus vite je dévale le sentier, et plus proche est la menace. »