Vers une biologie quantique

Capsule-cerveau-4-orangeMétaquine® n’envisage pas seulement les avancées de la pharmacologie et leur impact sur les consommateurs de psychotropes. Les perspectives ouvertes par le roman débouchent sur d’autres champs d’exploration scientifique : neurosciences, cybernétique, biologie, cosmologie et… physique quantique.

Dans les sciences du vivant, l’explication des phénomènes observés se réfère le plus souvent à la physique macroscopique et à la chimie organique. Le champ subatomique participe rarement à l’élaboration des hypothèses débattues par les biologistes ou les médecins, sinon comme arrière-plan théorique. Etudiés au microscope, dans un lit d’hôpital ou une cage de laboratoire, les êtres vivants sont faits de matière visible. Inutile, pour comprendre leur degré d’organisation, de descendre au niveau de l’impalpable, celui des particules où les quantas mènent le bal. Comment l’homme, la plante et l’animal, soumis au temps et à la gravité, pourraient-ils interférer avec l’infiniment petit, où règnent l’indétermination, la non-localité et le voyage à rebrousse-temps ? Entre physique classique et mécanique quantique, la biologie a donc choisi son camp.

Niels BohrDe rares audacieux ont cependant tenté de concilier les deux niveaux de réalité dans le domaine des sciences de la vie. En 1930, le physicien danois Niels Bohr compare le rapport entre le corps et l’esprit à la dualité onde-corpuscule de la mécanique quantique, suggérant que cette propriété pourrait être à l’origine de phénomènes biologiques et cérébraux. L’intuition de Bohr inspire de nombreuses théories, mais ne reçoit aucune confirmation expérimentale. Un demi-siècle plus tard, un autre prix Nobel de physique, Brian David Josephson, avance une hypothèse analogue. Le Britannique soutient que deux organismes peuvent rester interconnectés à la manière des particules intriquées de la mécanique quantique. Ses compatriotes, le mathématicien Roger Penrose et le neurobiologiste John Eccles (encore un savant nobélisé), emboîtent le pas à leurs illustres prédécesseurs. Dès les années 1990, Penrose défend que l’indéterminisme quantique est lié à l’émergence de la conscience et du libre-arbitre chez l’être humain. Malheureusement, aucune de ces sommités ne produit de preuve étayant concrètement leurs affirmations. « Ces idées sont à ce point spéculatives que c’en n’est plus de la science », commente le physicien suisse Nicolas Gisin, spécialiste mondial de l’intrication et de la téléportation.

Ces doutes se comprennent quant à l’hypothèse du fonctionnement quantique de la conscience, toujours objet de controverses. Mais sur le terrain plus général de la biologie, la mécanique des quantas a fait ces dernières années une entrée aussi inattendue que fracassante. Et cette fois-ci, expériences à l’appui.

Des chercheurs de l’université de Berkeley ont ainsi démontré que la photosynthèse, qui transforme la lumière en énergie dans les plantes à chlorophylle, utilisait un mode d’excitation électronique propre aux particules dites « superposées » : chaque électron produit par photosynthèse emprunte plusieurs chemins à la fois pour se propager à travers la cellule végétale. En physique, ce don d’ubiquité n’est possible qu’en certaines conditions, propres à la mécanique quantique. Le phénomène explique par ailleurs que les feuilles des arbres convertissent 100% de la lumière qu’elles reçoivent en énergie utile à la chimie cellulaire. Pareil rendement fait pâlir de jalousie les fabricants de panneaux photovoltaïques, qui récupèrent péniblement 20 à 25% de l’énergie captée.

photosynthèse La démonstration de la nature quantique de la photosynthèse n’est en fait que la première d’une série de découvertes. Comme si l’indice d’une intervention des quantas dans les mécanismes végétaux avait offert aux biologistes un nouveau paradigme et un champ de recherche d’une fécondité insoupçonnée.

Prenez les enzymes, ces catalyseurs naturels qui facilitent et accélèrent les réactions biochimiques à tous les échelons du vivant. Plusieurs études semblent indiquer que leur efficacité phénoménale est due à une astuce quantique, l’effet tunnel, qui repose sur la dualité onde/particule. Atomes et molécules se transforment en passe-murailles ondulatoires pour traverser des obstacles et sauter les barrières énergétiques. Outre sa contribution aux réactions enzymatiques, l’effet tunnel serait aussi impliqué dans d’autres processus organiques. Le sens de l’odorat, par exemple. La faculté d’identifier un parfum reposerait sur la reconnaissance vibratoire des combinaisons chimiques inhalées, chez les insectes comme chez les mammifères. Une sensibilité des récepteurs olfactifs que seul l’effet tunnel rendrait possible.

L’intrication est un autre phénomène décrit par la physique des quantas qui permet à deux objets distincts de n’en faire qu’un malgré la distance qui les sépare. Cette propriété étonnante aurait elle aussi trouvé des débouchés biologiques. Ce serait elle qui, étendue à des nuages d’électrons, stabiliserait l’information génétique au sein de l’ADN. Comme l’effet tunnel, l’intrication n’œuvrerait pas seulement dans les éprouvettes des biochimistes, mais aussi sous le scalpel des zoologues. Son rôle aurait été mis en évidence jusque dans le comportement des rouges-gorges migrateurs. Ces voyageurs au long cours orienteraient leur vol grâce à des corpuscules qui s’intriqueraient à l’intérieur de leur rétine, la rendant hautement sensible au champ magnétique terrestre.

Oiseau-dans-l'herbe

Superposition d’états, effet tunnel, intrication et autres tours de magie quantiques se font de plus en plus présents dans les sciences de la vie. L’évolution semble avoir permis au vivant d’exploiter à l’échelle macroscopique des états de la matière qu’on croyait confinés au monde subatomique. La probabilité que ces états jouent aussi un rôle dans les mécanismes neuronaux, voire les fonctions supérieures du cortex, relève de moins en moins du fantasme, n’en déplaise aux détracteurs de Josephson, Penrose et Eccles. De là à affirmer que nos pensées et émotions échappent à l’espace-temps classique pour voyager à dos de quantas, il y a un pas que les neurosciences ne sont pas près de franchir. Les spécialistes de la branche sont réputés pour leur scepticisme.

La science-fiction ne connaît pas ces scrupules. Au contraire, l’idée que le cerveau puisse fonctionner en mode quantique ouvre à l’imagination romanesque des perspectives engageantes. Qu’arriverait-il si la conscience opérait dans plusieurs dimensions, à l’instar des particules en superposition d’état ? Si elle restait liée à d’autres esprits selon le principe d’intrication ? Si elle creusait des tunnels d’intelligence à travers la matière qui l’encage ?

Capsule-cerveau-2Dans Métaquine® – qui n’est pas seulement l’histoire d’un médicament – ces questions se posent à plusieurs reprises. L’action qu’exerce le psychotrope sur les cerveaux pousse les héros du roman à chercher des explications au-delà de la pharmacologie et des neurosciences. En altérant la conscience, le produit révèle en creux d’étranges territoires, où la pensée, comme les particules de la physique quantique, semble échapper à la détermination spatio-temporelle. Et puis, dans l’avenir que décrit le roman, les ordinateurs quantiques sont en passe de supplanter les computers binaires. Les nouvelles machines, plus performantes, présentent d’intrigantes analogies de fonctionnement avec la cognition humaine. Pourrait-on se servir de processeurs à qubits pour modéliser notre cerveau ? Ou, carrément, pour remplacer cette molle et périssable circuiterie ?

Sources : Science & Vie, avril 2011 ; Pour la Science, septembre 2011 ; NewScientist, février 2010.

3 Responses

  1. […] Des récepteurs « cérébraux » sur les globules blancs du sang? Une telle découverte était réellement fondamentale. Dans le passé, on pensait que seul le système nerveux central relayait les messages adressés à l'organisme, à la manière d'un système téléphonique complexe reliant le cerveau à tous les organes auxquels il désire « parler ». Les récepteurs cellulaires sont tout aussi difficiles à repérer. Nature-JACS-10.pdf. Quantum dots and peptides: a bright future together. Caractère quantique du comportement de molécules biologiques. ZhouGhoshPeptSci.pdf. Vers une biologie quantique – Métaquine® […]

  2. Pourquoi en 1976, l’épidémie à virus Ebola, explose-t-elle en même temps (la même semaine), en deux lieux géographiques, l’une au Soudan (à Maridi), l’autre au Zaïre (à Yambuku), distant d’un millier de kilomètres. Ces deux épidémies sont dues à deux souches virales différentes (issues d’un ancêtre commun), souches apparentées mais bien distincts du point de vue génétique. Aussi une épidémie ne peut pas être la cause de l’autre (deux virus différents).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *